Chargée d’accélérer la mise en oeuvre des mégaprojets de transport européens, la Cour des Comptes a «contrôlé si la Commission européenne avait veillé à ce que les projets d’infrastructures de transport phares soient bien planifiés et efficients.»
Dans son rapport les sages ont analysé 8 projets majeurs de transport parmi lesquels le projet de liaison ferroviaire Lyon Turin et sa section transfrontalière incluant le tunnel. Le constat est accablant.
La Cour des Comptes : dénonce une augmentation de 85% des estimations de coûts depuis le projet initial de tunnel monotube
Établit le coût à 9.6 Milliards d’Euros en valeur 2019 alors que le promoteur du projet utilise toujours une estimation à 8.3 milliards d’euros en valeur 2012.
Pointe un retard de 15 ans et énonce un doute sur une mise en service en 2030
« La liaison Lyon-Turin ne sera probablement pas prête non plus d’ici à 2030 comme le prévoit le calendrier actuel. En effet, sa date d’achèvement est actuellement fixée à décembre 2029, ce qui ne laisse qu’une petite marge pour absorber d’éventuels retards, sachant que la mise en œuvre de l’action cofinancée par l’UE concernant cette infrastructure en a déjà connu quelques-uns depuis que la date limite d’achèvement a été fixée ». Page 21
Epingle l’exagération des avantages environnementaux du projet liés aux émissions de CO2
Selon les estimations du gestionnaire, « cette infrastructure de transport phare ne deviendra avantageuse du point de vue des émissions de CO2 que 25 ans après le début des travaux. Cependant, se fondant sur les mêmes prévisions de trafic, nos experts ont conclu que les émissions de CO2 ne seraient compensées que 25 ans après l’entrée en service de l’infrastructure. Cette prédiction dépend en outre des volumes de trafic: s’ils n’atteignent que la moitié du niveau prévu, il faudra 50 ans à partir de l’entrée en service de l’infrastructure avant que le CO2 émis par sa construction soit compensé ». Page 35
Etablit le caractère erroné des projections de trafic de fret
« Pour les infrastructures de transport phares Lyon-Turin et Seine Escaut, les anciennes projections de trafic de fret sont très supérieures aux volumes de trafic actuels. » Page 6
« Les données relatives au trafic pour les infrastructures transfrontalières sont de qualité médiocre, notamment en raison de prévisions trop optimistes. » Page 28
Evalue un risque élevé de surestimation des trafics transférés sur la nouvelle infrastructure
« Les données relatives au trafic pour les infrastructures transfrontalières sont de qualité médiocre, notamment en raison de prévisions trop optimistes. » Page 28 « Étant donné le caractère très modeste du transfert modal en Europe ces 20 dernières années, il existe un risque élevé de surestimation des effets positifs de la multimodalité de bon nombre des infrastructures de transport phares. » Page 35
Met en cause la viabilité à long terme de la liaison
« Nous avons évalué la viabilité économique des infrastructures de transport phares sélectionnées qui ont une composante ferroviaire à grande vitesse, en analysant le nombre escompté de passagers et le potentiel de trafic global. » … « Nous pouvons en conclure que, pour toutes les infrastructures de transport phares évaluées, la population totale résidant dans cette zone d’attraction est insuffisante pour assurer la viabilité à long terme. » Page 50
Epingle la méthodologie de la commission européenne et l’utilisation des analyses coûts-avantages
« Avec l’aide d’un expert de l’Université libre de Bruxelles (VUB), nous avons évalué la qualité des différentes analyses coûts-avantages élaborées pour les huit infrastructures de transport phares de notre échantillon. Nous avons établi que les analyses coûts avantages n’avaient été utilisées correctement comme outil de prise de décision pour aucune d’entre elles.
Aucune analyse coûts-avantages générale de haut niveau, portant sur l’intégralité des projets proposés, y compris les investissements d’infrastructure connexes, et associant autant de parties prenantes nationales et régionales que possible, n’a été réalisée à l’échelle globale d’une infrastructure de transport phare en plus de l’analyse plus détaillée propre à chaque section. Au contraire, la plupart des analyses coûts-avantages n’ont été effectuées que pour des petites parties des infrastructures de transport phares concernées »
Un point de contradiction
La Cour des Comptes confirme ainsi nombres des analyses disponibles sur ce site. Il existe cependant un point de contradiction.
La Cour des Comptes attribue la faiblesse du trafic fret actuelle à « l’état inapproprié de la ligne conventionnelle existante et par le fait que le trafic peut emprunter d’autres cols alpins. » Page 29
C’est la Commission européenne qui apporte la contradiction dans sa réponse à la Cour en page 91.
« Du côté français, la ligne conventionnelle existante, qui sert actuellement de ligne d’accès, est à présent conforme à la plupart des paramètres du RTE-T (Note 1). Les exigences qui ne sont pas remplies sont liées à la vitesse (certaines sections autorisent 90 km/h au lieu de 100 km/h en raison de la pente de 25 ‰) et au système ERTMS, dont la mise en place est prévue d’ici 2030 dans le plan national de mise en œuvre. » Page 91
Dois-je ajouter quelque chose ? oui un lien vers plus d’informations
Après la crise sanitaire liée au COVID, plus que jamais le Lyon Turin apparait comme un projet du passé !
Alors que la tendance des propositions est à « la relocalisation de l’industrie et des achats, un tourisme raisonné, des projets bons pour le climat immédiatement, des transports du quotidien », le Lyon Turin facilite la route de la soie vers la Chine, vend de la vitesse pour tous et parie sur moins d’émissions de CO2 en 2055.
Réorientons ces 10 milliards d’euros vers des projets au service de notre quotidien et de notre santé.
Note 1 : RTE-T Réseaux transeuropéens de transport
La politique commune des transports de l’UE, énoncée dans le traité de Rome (1957), a été établie pour créer un espace de transport commun en Europe. En 2013, l’UE s’est fixé pour principal objectif opérationnel de mettre en place un «réseau central» d’ici à 2030 et un «réseau global» d’ici à 2050. Le réseau central compte neufs corridors, faisant chacun intervenir plusieurs modes de transport.