Comment expliquer la situation confuse dans laquelle se trouve le projet ? Voilà des semaines que je me gratte la tête. En chamoise scrupuleuse, j’aimerais écrire un article court et exhaustif. Cela se révèle compliqué car la situation du Lyon Turin semble inextricable…
Alors je vous invite à avancer pas à pas 🙂
La France et l’Italie sont dans l’incapacité de financer seules ce projet. Missionnée pour faciliter les liaisons transfrontalières, l’Europe s’est tout d’abord engagée à financer une part du tunnel entre Saint Jean de Maurienne et Bussoleno… Donc TELT Tunnel Euralpin Lyon Turin a pour objectif de réaliser un tunnel ferroviaire au milieu des Alpes. Pour les accès on verra plus tard !
Le lobby affirme que les accès italiens seront prêts pour la mise en service du tunnel. En fait l’Italie a décidé de jeter aux oubliettes le plan avec de multiples tunnels et d’aménager la ligne existante. Cette phase d’aménagement permettrait d’atteindre seulement la moitié de la capacité théorique du tunnel transfrontalier qui serait donc surdimensionné !
Passons aux accès français entre Lyon et Saint Jean de Maurienne…
Accrochez-vous 🙂 Un projet extrêmement ambitieux a fait l’objet d’une Déclaration d’Utilité Publique en 2013.
Les élus locaux se sont démenés auprès de l’Europe pour obtenir une promesse de financement. En parallèle, pour faire avaler la pilule à l’état français, le projet a été amaigri et son budget réduit 🙂 à… 6,7 Milliards d’euros. Ainsi la nouvelle ligne serait dédiée au Fret et les voyageurs utiliseraient la ligne existante. Les élus locaux sollicitent donc l’engagement de l’état qui comme nous le savons croule sous le pognon !
Pas plus tard qu’hier les anciens élus de tous bords ont réagi aux mauvaises nouvelles… 🙁
Mécontents des dernières recommandations du COI Conseil d’Orientations des Infrastructures et de l’arbitrage de la première ministre, les anciens élus se sont fendus d’un courrier à Emmanuel Macron qui comme nous le savons n’a que ça à fou… heu… faire…

Je résume. Depuis 2019, le COI recommande l’aménagement de la ligne existante pour alimenter le tunnel transfrontalier à sa mise en service puis la réalisation progressive de la nouvelle ligne d’accès française.
Je vous livre deux éléments de compréhension importants.
1 – Le projet Lyon Turin que finance l’Europe est un maillon du corridor Est – Ouest entre l’Espagne et l’Ukraine. L’Europe ne financerait probablement pas un maillon du Nord vers l’Est.
2- Le pari (Un pari, vous avez bien lu !) du lobby est que cette nouvelle liaison suffira a opérer un transfert modal du trafic routier qui longe la méditerranée vers la liaison alpine. Le pari ferroviaire est que le fret remontera gentiment la vallée du Rhône puis contournera Lyon avant de bifurquer à l’Est en direction de l’Italie… Sans l’apport de ce trafic fret, la nouvelle liaison Lyon Turin ne se justifie plus !
Vous comprenez mieux pourquoi le lobby lutte depuis des années pour annihiler toute tentative d’aménager la ligne existante du Nord vers l’Est et pourquoi le scénario retenu par le gouvernement est rejeté…
Vous êtes toujours là ? On continue 🙂
La première ministre veut bien évoquer la nouvelle infrastructure mais propose aux collectivités locales de la financer… Et là, les élus locaux s’étranglent et sont coincés… Ils ont sélectionné un nouveau projet dédié au fret. Or la région a uniquement la compétence sur le trafic voyageurs. Donc logiquement Monsieur Vauquiez indique qu’il ne sortira pas un sou… et que c’est à l’état de payer…
Vous voyer le binz 🙂 Accrochez-vous encore un peu 🙂
Pour relier la nouvelle liaison Lyon Turin à la vallée du Rhône, il est indispensable de construire le CAFL Sud, Contournement Ferroviaire de Lyon Sud. Aujourd’hui les marchandises traversent Lyon sur un réseau saturé. Or ce CFAL Sud est à encore à l’étude et je vous laisse imaginer la difficulté de tracer un itinéraire dans cette zone urbanisée. Poussé par les recommandations du COI, le lobby vient enfin d’admettre clairement que le CFAL est un préalable au Lyon Turin. Il leur reste à franchir le pas et déclarer que le budget du CFAL de 3 milliards d’euros est a intégré au coût de la nouvelle liaison…
Je rappelle que dans le dossier qui a conduit à la Déclaration d’Utilité Publique de 2007 relative au tunnel transfrontalier, le CFAL faisait partie du programme Lyon Turin… Juste retour des choses…
Une autre évolution du lobby au gré du vent politique? Le courrier des anciens élus évite toute référence au Lyon Turin futur maillon des routes de la soie chinoises… Il semble que cet argument fort utilisé ait sombré avec les illusions sur les bienfaits de la mondialisation…
Alors comment pourrais-je conclure ?
Si les accès ne sont pas réalisés pour la mise en service du tunnel transfrontalier alors il existe une solution. C’est retarder la mise en service du tunnel… jusqu’à ce ce projet creux sombre dans l’oubli 🙂
Plus globalement…
Dans les années 70, on prenait un crayon pour tracer sur une carte en papier une nouvelle ligne ferroviaire rectiligne à travers champs et montagnes. L’argent public ruisselait comme l’eau de nos torrents…
Ces tracés sont obsolètes et l’eau devient rare même en France… Les anciens élus ont visiblement des difficultés à abandonner les ambitions du passé comme le Lyon Turin.
Des ambitions nouvelles associées à la sobriété financière et environnementale.. Je suis persuadée que c’est notre vrai défi !